Dans le cadre d’encourager l’évolution et l’accroissement économiques au sein des États parties, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires, OHADA en sigle, a mis en place, à travers ses actes uniformes et le traité, un droit des affaires unifiées, harmonisées, simples, modernes et adaptées aux exigences de la mondialisation et de la compétitivité économique. Ce mécanisme a pour but d’améliorer le climat des affaires, notamment, d’inciter les investissements et de faciliter l’activité des entreprises, mais aussi d’attirer les capitaux au sein des États parties.
A cet égard, le droit de recouvrement des créances occupe une place de choix car il permet d’une part, aux créanciers de faire recours à des procédures de recouvrement plus simples, plus rapides et plus efficaces en vue d’assurer la croissance de leurs activités économiques et, d’autre part, de contenir les manœuvres des débiteurs qui, en tout temps, n’ont jamais hésiter de manipuler les mêmes dispositifs légaux dans le but d’organiser leur insolvabilité.
Dans ce combat judiciaire qui oppose le créancier à son débiteur, il arrive fréquemment qu’une personne étrangère au litige y joue un rôle déterminant : c’est le tiers saisi. Il y est impliqué, bon gré, mal gré. Pourtant, il peut, par son attitude, faciliter ou compromettre gravement le recouvrement des créances. Dans ce cercle des tiers saisis, les banques et autres établissements de crédit sont les plus sollicités dans cette procédure (les opérations de saisie).
Par ailleurs, il faut veiller à ne pas, non plus, par un régime fort sévère, livrer le tiers saisi de bonne foi en pâture aux créanciers qui peuvent, malicieusement, obtenir leurs condamnations pour la circonstance, souvent, à la suite des petites erreurs d’inattentions ou de méconnaissances ; qui ne dénotent nullement d’une quelconque mauvaise foi.
Dès lors, quelles sont les exceptions à la responsabilité ci[1]vile du tiers saisi au paiement des causes de la saisie ? Le présent article nous aidera à y apporter quelques réponses, dont nous l’espérons, utiles.
L’étude des limites à la condamnation des banques en tant que tiers saisi aux causes de la saisie nécessite une définition de ce qu’il faut comprendre par “tiers saisi” avant de déterminer l’étendue de ses obligations et de sa responsabilité (Voir l’article 156 de l’AUPSRVE) comme indiquée dans le courrier du banquier n° 25 du Décembre 2018 et de parcourir les différents cas qui le dédouanent de toute responsabilité au paiement des causes de la saisie. QUI EST LE TIERS SAISI ? En général, le tiers saisi est la personne, physique ou morale, de droit public ou privé qui détient les biens appartenant au débiteur saisi et entre les mains desquelles la saisie de ces biens est pratiquée en vue du remboursement de la créance. Le tiers saisi est ainsi, la personne dont la saisie est pratiquée entre ses mains, c’est-à-dire détient effectivement des biens pour le compte du débiteur. Cette détention doit s’estimer au moment de la saisie. Elle ne doit pas être prétendue ou assimilée. Elle ne doit pas non plus être révolue ou future, ni encore moins incertaine. Elle doit absolument être effective entre les mains du tiers au moment de la saisie y compris les dépôts postérieurs à la saisie. Le tiers saisi est celui qui détient l’actif et non le passif sur les avoirs du débiteur saisi.
Cependant, il y a des cas qui, en dépit d’une faute commise par le tiers saisi lors de la déclaration de l’étendue de ses obligations vis-à-vis du débiteur, empêchent, néanmoins, toute condamnation de celui-ci au paiement des causes de la saisie. Ces cas sont nombreux... A l’aune de son installation, la CCJA avait donné le ton de la rigueur et de la sévérité des sanctions prises à l’égard des tiers saisis. De ce fait, les tiers saisis doivent donc rester passifs lors des opérations de saisie et se garder de toute attitude tendant à faire obstacle à l’exécution des saisies. Au fil du temps, elle s’en n’est rendue compte que les tiers saisis faisaient presque toujours l’objet de condamnations des causes de la saisie même à la suite de banales erreurs commises. Cette situation anormale a eu pour conséquence d’accroitre les risques, pour ces banques, de mettre la clé sous le paillasson. Il fallait absolument y remédier.
C’est pourquoi la CCJA n’a pas hésité a faire un revirement de sa jurisprudence en allant dans le sens de protéger l’activité des banques et des autres établissements de crédits dont l’importance dans la stabilité économique de la région est indéniable. Désormais, pour être condamné au paiement des causes de la saisie, le tiers doit impérativement avoir la qualité de tiers saisi.
A côté de cette condition essentielle, il en existe d’autres : • Le tiers ne peut être condamné aux causes de la saisie en cas de déclaration régulière : La CCJA a jugé que le tiers saisi, établissement bancaire, ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie lorsque celui-ci a régulièrement fait ses déclarations à l’appui des pièces justificatives, le créancier saisissant ne rapportant pas la preuve de l’inobservation par ledit tiers saisi de ses obligations imposées à l’article 161 de l’acte uniforme. (CCJA, 3ème Chambre, Arrêt n° 168/2016, du 1er décembre 2016, Affaire Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire BICICI c/ Monsieur Ake N’Guéssan Victor)
- Le tiers ne peut être condamné aux causes de la saisie lorsque l’acte de saisi est caduc. Le défaut d’accomplissement de certaines formalités requises (l’obligation de dénoncer la saisie au débiteur et celle de la convertir) à la suite d’une saisie-attribution des créances, d’une saisie conservatoire ou d’une saisie revendication entraîne la caducité de l’acte de saisie et sans effet à l’égard du tiers saisi, même en cas d’une déclaration fautive. A ce sujet, la CCJA a jugé que l’acte d’un Etat étranger n’ayant pas rempli des formalités d’exéquatur est frappée de caducité (CCJA, 1ère Chambre, Arrêt n° 111/2016 du 9 juin 2016, Affaire Société Oikocrédit c/ Orabank Côte d’Ivoire). De même, est nulle pour cause de caducité et encourt main[1]levée, la saisie conservatoire des créances n’ayant pas fait l’objet de signification au débiteur saisi dans le délai de 8 jours à compter de ladite saisie. TPI de Yaoundé – Cameroun, Centre Administratif, Ordonnance n° 482/C du 2 septembre 2008, Affaire Eyone Luc c/ Ngo Som Julienne, Me Biloa Marie Fidelia, Union Bank of Cameroun, Plc et autres). A défaut de conversion en saisie-attribution des créances en vertu d’un titre exécutoire, le tiers saisi est exonéré de toute responsabilité de paiement. (Cour d’Appel d’Abidjan, Côte d’Ivoire, Arrêt n° 525 du 7 juin 2005, Affaire BICICI c/ Société Meroueh Fils et compagnie).
- Le tiers ne peut être condamné aux causes de la saisie en cas de nullité de l’acte de saisie même alors qu’il aurait fait une déclaration fautive. (CCJA, 2ème Chambre, Arrêt n° 066/2013 du 31 octobre 2013, Affaire Etat de Côte d’Ivoire c/ Akobe Georges Armand). Dans le même ordre d’idée, l’action en paiement des causes de la saisie contre le tiers saisi pour déclaration tardive ne peut prospérer dès lors que le procès-verbal de saisie, fondement de l’action, est nul pour défaut de mention à peine de nullité. (CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 091/2013 du 20 novembre 2013, Affaire United Bank for Africa dite UBA Cameroun c/ Maître Non-moi Tapet Thérèse).
- Le tiers ne peut être condamné aux causes de la saisie lorsque l’acte de saisi est annulé. Entre le moment où la saisie est pratiquée et le moment où la juridiction compétente est saisie d’un contentieux d’exécution, il peut arriver dès fois que l’acte de saisie soit annulé à la suite d’une action intentée par le débiteur pour inobservance de l’une des mentions prescrites à peine de nullité. (CCJA, 3ème Chambre, Arrêt n° 086/2012 du 4 décembre 2012, Affaire Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire SGBCI c/ Kadjane Abo Théodore)
- Le tiers ne peut être condamné aux causes de la saisie en cas de rétractation de l’acte ou l’ordonnance autorisant la saisie. Ainsi, de prime abord, il faut noter que cette hypothèse de non-condamnation du tiers aux causes de la saisie ne peut s’envisager qu’en cas de saisie pratiquée en l’absence de titre exécutoire. De ce fait, il faut une autorisation qui est généralement appelée ordonnance. Toutefois, l’ordonnance autorisant la saisie ne peut être délivrée que si la créance remplie certaines conditions : d’abord, il faut que la juridiction qui autorise la saisie soit compétente. Ensuite, la créance doit paraître fondée en son principe. Enfin, en sus d’être documentée, la créance doit être certaine, liquide, exigible et son recouvrement menacé.
Cheick Oumar DIAKITE Juriste de la Banque BMS-sa.

